Le 29 novembre dernier, Me David Nachfolger était invité par le Parlement européen à Bruxelles, en compagnie de Me Robert-André Adam,pour animer un déjeuner-causerie autour du rôle que les secteurs public et privé peuvent jouer dans le recrutement et l’intégration d’immigrants. Nous avons eu la chance de lui parler avant son départ pour discuter avec lui de la situation du Québec et du Canada en la matière, et de l’expertise de Cain Lamarre en droit de l’immigration et du travail. Vous êtes avocat spécialisé en droit de l’immigration et en droit du travail.

Votre pratique se concentre sur la mobilité à l’échelle mondiale, l’immigration et l’émigration pour les entreprises multinationales au Canada et à l’étranger. Qu’est-ce que cela comprend?

L’équipe de Cain Lamarre en droit de l’immigration est l’une des plus importantes au Québec. Notre clientèle est formée de petites et moyennes entreprises en recherche de main-d’œuvre, tout comme de multinationales qui font face à des défis de mobilité globale. Donc, nous aidons les entreprises à accompagner leurs employés dans les nombreux processus auxquels ils feront face, pour le recrutement temporaire et permanent. Nos services sont très complets, allant des demandes de résidence permanente au parrainage familial, en passant par les permis de résidence temporaire et de travail, ainsi que la planification de politiques globales stratégiques de mobilité.

En quoi Cain Lamarre se distingue-t-elle à l’échelle nationale en matière de droit de l’immigration et de droit du travail et de l’emploi?

Je crois que notre principale force est d’être en mesure de nous adapter aux besoins et aux réalités de nos clients. Dans les grands centres, la demande pour des travailleurs étrangers très qualifiés est forte, tandis qu’en région, on recherche un grand volume de main-d’œuvre ouvrière. Dans les deux cas, les défis d’intégration impliquent beaucoup d’enjeux. Avec notre expérience en la matière, nous détenons l’expertise pour accompagner nos clients dans ces importants dossiers, qui peuvent parfois être complexes.

En 2018, le Canada a accueilli entre 290 000 et 330 000 nouveaux résidents permanents. On en attend entre 300 000 et 350 000 en 2019. Dans le marché de l’emploi actuel, comment les entreprises peuvent-elles profiter de cette vague de nouveaux arrivants?

D’abord, il faut diviser ces chiffres en deux. Les statistiques du Gouvernement du Canada font état des dossiers d’immigrants permanents, qui ne sont pas toujours liés aux dossiers de l’emploi, par exemple les réfugiés économiques et humanitaires. Ces personnes ne représentent pas un enjeu pour les entreprises canadiennes. Par contre, une large proportion d’entre elles présente des demandes de résidences temporaires de deux ou trois ans, à la suite desquelles plusieurs entreprendront les démarches de résidence permanente. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre — qui ne semble pas être en voie de s’améliorer — les entreprises ont tout intérêt à tirer profit de ce bassin important de travailleurs potentiels.

Bien que la plupart des employeurs sont conscients de ces enjeux liés à l’immigration, plusieurs demeurent nerveux face à de potentielles problématiques d’intégration. Nous savons bien qu’il s’agit de questions délicates, tant pour l’entreprise que pour le nouvel arrivant. Pour faciliter le processus, nous encourageons, par exemple, les employeurs à créer des programmes de francisation en entreprise, ou encore à mettre en place des activités encourageant l’intégration de leurs nouveaux collègues, comme des déjeuners communs ou par des activités sportives.

D’un point de vue plus global, il ne faut jamais oublier que, peu importe le contexte, dès qu’on parle d’immigration, cela peut devenir très politisé et il est facile de tomber dans une rhétorique négative. Pour éviter les dérapages, il est important de bien informer les Canadiens et les résidents permanents que nous avons besoin de ces gens.

En quoi la situation de l’UE et du Canada se compare-t-elle? Comment l’UE peut-elle s’inspirer des pratiques canadiennes?

Cain Lamarre est très fier d’être l’un des plus grands cabinets au Québec. Nos professionnels prennent la parole et s’impliquent dans les politiques publiques. Nous sommes très fier de démontrer que les entreprises québécoises font beaucoup d’efforts pour accueillir les travailleurs immigrants dans nos communautés. L’invitation du Parlement européen est une belle preuve que notre cabinet est reconnu comme un leader national.

Traditionnellement, le Canada a toujours été une terre d’accueil, un pays d’immigration. En Europe, ils n’ont pas eu cette tradition. La mentalité est plus protectionniste. Ce sont 27 pays avec des cultures fortes et différentes, qui ont des identités définies, des narratifs historiques et politiques beaucoup plus rigides. Leurs systèmes d’immigration ne sont pas ouverts, et ils n’ont pas des programmes de pointage pour accueillir des immigrants. Lorsqu’on vient d’ailleurs, il faut soit convaincre un employeur de se faire parrainer, soit épouser un résident permanent.

Prenons l’exemple des réfugiés syriens en Allemagne. Tous ces gens sont entrés comme réfugiés, mais plusieurs d’entre eux ont des talents, des savoir-faire dont certaines entreprises pourraient profiter. Si l’Europe s’était dotée de systèmes ouverts, les réfugiés auraient pu arriver avec des statuts spéciaux et signifier leur intention d’immigrer en Allemagne. Évidemment, un seul pays ne peut pas accueillir tout le monde. Il faut aussi aider les pays d’origine à améliorer leur situation et favoriser leur établissement définitif. Parallèlement, la limitation des vagues d’immigration est un enjeu réel en Europe. Au Canada, la réalité est tout autre. D’abord, nous vivons dans un pays de 35 millions d’habitants sur un très grand territoire. Nous souhaitons augmenter la population dans nos régions. Notre regard est beaucoup plus porté à l’extérieur. Ici, les employeurs se demandent : « qu’est-ce qui peut nous enrichir, quel talent cherchons-nous? »

Je crois donc qu’il existe un juste milieu entre ces deux réalités. Devons-nous nous concentrer sur le marché du travail? Avons-nous aussi un devoir moral d’accueillir des gens pour améliorer leur sort?Après tout, nous sommes chanceux d’être Canadiens, mais beaucoup plus d’être nés au Canada.